Verdun - Georges BLOND

[...] - Les gars, moi j'ai vu fusiller les lieutenants HERDUIN et MILAN [MILLANT], du trois-cent-quarante-septième. Ca vous dit peut-être quelque chose ?

Le narrateur n'avait pas toujours vraiment vu de ses yeux, mais l'histoire était vraie, il s'agissait d'un drame dont les hommes s'entretenaient volontiers lorsque aucune oreille de gradé ne se trouvait à proximité. Les régiment de ces deux lieutenants, en première ligne devant Fleury, avait été réduit à 350 hommes valides (sur 3.000), et à 6 officiers. HERDUIN et MILAN [MILLANT] avaient résisté pendant quarante-huit heures à la tête de leur compagnie, la dix-septième. Lorsqu'ils ne s'étaient plus vus entourés que de trente-cinq hommes (sur 200) privés de munitions et sur le point d'être encerclés, les deux officiers avaient ordonné le repli. Ne donnant pas cet ordre ils eussent été simplement faits prisonniers avec leurs hommes, comme d'autres officiers de ce régiment. Or, ils avaient donné l'ordre. Malheureusement pour eux, un autre ordre, tout à fait général et impératif, ordre à suivre au pied de la lettre, venait alors d'être signifiés aux chefs d'unités de la IIè Armée par le Général NIVELLE, épouvanté par la prise du fort de Vaux :

Ne pas se rendre, ne pas reculer d'un pouce, se faire tuer sur place.

La vieille antienne. On ne pouvait pas aller rechercher les prisonniers chez les Allemands pour les fusiller. Mais on pouvait fusiller pour l'exemple qui avait donné un ordre de repli.

- Le peloton a été formé avec des survivants de leur compagnie, ça ne vous dit rien ? On les a obligés, sous peine de mort. HERDUIN et MILAN [MILLANT] avaient été des types gonflés, tout le monde le savait. L'un d'eux était marié [HERDUIN], il a écrit une lettre à sa femme. Tous ceux qui l'ont lue chialaient.

Les auditeurs crachaient en disant :

Fumiers.

[...]

Verdun - Georges BLOND